J’ai eu l’occasion d’assister à un évènement que je trouve exceptionnel, le genre de moment qui te fait comprendre l’essence de la gastronomie, polymorphe et magnifique, dont la plus belle difficulté est de rendre magique le fait de manger, de partager un repas entre amis.
Sous l’égide de San Pellegrino Young Talents, et à l’invitation généreuse de Thomas Troupin (Chef de la Menuiserie *), Marcha Portois (co-propriétaire et Maître d’Hotel du même restaurant) et de Lothar Vilz, éleveur passionné de Limousine à Murringer, nous avons partagé ce lundi soir un repas hors du temps, dans une cabane à l’orée d’un bois que seule notre Ardenne peut offrir.
Un repas Hommage, Naturel
Ce n’est pas la réplique d’un repas du restaurant dont Thomas et Marcha ont eu l’idée, mais un menu hommage à Lothar Vilz, et à sa ferme bovine. Comme nous le verrons plus tard, le menu n’en était pas moins finement travaillé, mais Thomas s’est mis en retrait par rapport à la Viande. La belle Cuisine n’est qu’une question de respect, du produit et du producteur.
Tout au long du repas, mais est-ce étonnant, nous n’avons pas évoqué tel pâté, tel vin, tel champignon, mais plutôt le pâté préparé par le boucher untel, les champignons cueillis par un autre, et le vigneron en question que l’on finit par connaître presqu’aussi bien que le vin lui-même. Réincarner les aliments est le leitmotiv de la nouvelle génération de Chef et de producteurs.
Lothar Vilz, Vacher incarné
Lothar se définit comme vacher, terme qui lui va à merveille. Fils d’agriculteur, son père tenait un élevage bovin, Lothar a étudié les métiers de l’hôtellerie avant de, en plus de son métier de serveur, reprendre la ferme familiale, à la seule et unique condition de devenir le Chef, le leader, et de changer toutes les pratiques conventionnelles qu’étaient celles de son père, et de tous ses collègues aux environs pour en revenir à de l’élevage humain et respectueux, en privilégiant le bien-être animal à un productivisme effréné.
Écouter Lothar est quelque chose de prenant, il vit son métier avec une grande sensibilité et un sens du devoir sans limite, par son travail il veut faire le bien autour de lui, rendre le monde meilleur. Évidemment que c’est fleur bleue que de dire cela, mais ne se moqueront de ces paroles que les gens n’ayant pas eu la chance de le rencontrer.
Je parlais de réincarner les aliments dans le cadre de la cuisine, mais ceci est encore plus vrai dans la philosophie de travail de Lothar. Il ne voit pas 850 kilos d’une vache avec 60% de masse musculaire, qui va lui rapporter autant, non, mais lui voit une vache, avec ses caractéristiques personnelles et sociales, reconnaissant les 150 Limousines de son élevage, chacun(e) ayant un nom, un caractère, un comportement.
Au moment de déguster la viande, il y a eu une sorte de recueillement, bref mais sincère, on en revient à la notion de réincarner sa nourriture… On est si loin des palets hachés congelés de l’industrie de la malbouffe. De plus, jusque dans le mode de commercialisation son mode de pensée s’affirme, en travaillant exclusivement en circuits courts (vente directe, aux Chefs, et à des collectivités sur les boeufs)
L’Alchimie Gastronomique
On ne peut qu’être conquis par la viande de Lothar (si on n’est pas végétarien, évidemment 🙂 ) et ce uniquement par la passion qu’il met à élever ses animaux et la manière dont il en parle, mais en dégustant c’est encore bien mieux. Et c’est à ce moment que le geste cuisinier arrive. Lothar a le talent de bien comprendre les besoins gastronomiques donc de préparer ses viandes en conséquences. Le rôle du lien entre le producteur et le Chef prend alors tout son sens : Thomas comprend Lothar et vice-versa, idem avec Nicolas Marichal et tant d’autres.
Mais si les produits sont cuisinés très justement, il y a encore un maillon qui participe à la parfaite tenue d’un repas, qui rend l’instant encore plus inoubliable, c’est celui de l’atmosphère créée. En ça, Marcha a le don de rendre la table joyeuse, festive et complice, car elle allie si bien la transmission joyeuse avec un professionnalisme sans faute derrière cette apparente facilité. Tout comme le Chef rend le technique simple, elle rend l’art de la table spontané
Et le Repas d’hier?
C’est bien gentil de parler des producteurs, mais quid de l soirée d’hier me direz-vous? “Sensationnelle” est la bonne réponse, mais c’est un peu court… Mais comme décidément je n’aime pas raconter les soupers, celui-ce se fera plutôt par l’image…

Nous prenons l’apéritif, avec des charcuteries parfois faites par Thomas, parfois par son boucher (rhoo ce pâté)

Ce tartare était juste parfait : Tartare de Chevreuil de la Birkenhof à Bütgenbach, Lait de chèvre et huile de lierre terrestre

Le risotto de pommes de terre en accompagnement de la viande était très parfumé : Côte à l’os de Lothar Vilz, risotto d’annabelle du jardin, poêlée de champignons des bois

La fin du repas ne sera pas racontée, il s’agirait de rester digne, mais sachez que nous avons AUSSI bu beaucoup d’eau 🙂
Je remercie profondément Marcha, Thomas et Lothar pour leur accueil, je suis sincèrement touché, ainsi que San Pellegrino d’avoir rendu cela possible… sans oublier tous mes compagnons de tablée avec qui nous avons passé, je l’espère, une superbe soirée. J’ai vécu un instant magique personnellement.
La magie de tes mots et tes photos m’emmène dans ces jolis champs en bordure de forêt, envie de croquer, de savourer, de rire, de dire j’aime . . . fier de notre patrimoine culinaire 😉