Un phénomène très rare est en cours en région liégeoise, quelque chose qu’aucun scientifique n’est arrivé à réaliser auparavant : l’ancien désert gastronomique principautaire devient une oasis d’inventivité et de cuisine décomplexée. Sauvage, le premier restaurant de Hyun Frère, en est d’ailleurs un excellent exemple!

Ouvert depuis moins de deux ans, l’adresse fait déjà parler d’elle pour de belles raisons chez les initiés !
Épure mais signature
Passé sous les ordres de deux Chefs réputés, Arabelle Meirlaen et François Piscitello, Hyun en a certainement gardé un goût affirmé pour une certaine épure dans la construction de l’assiette, tout en faisant généreusement appel à des épices et autres marqueurs gustatifs pétillants.

J’y retrouve des plats très lisibles à l’œil, avec une idée principale, entourée d’éléments à son service pour offrir une belle unité parfois déroutante, ce qui a tendance à me plaire personnellement. En ne multipliant pas à l’infini les éléments, il nous offre un message plus fort. Plus on se centre sur une association, plus on l’assume.

Par ses combinaisons parfois audacieuses, Hyun Frère arrive à passer un certain écueil, qui rend parfois la cuisine moderne un peu trop technique voire ennuyante. Ici, on sent les dérapages assez contrôlés et les idées folles, remises en ordre dans des assiettes bien faites.
La voie plutôt que la mode
On ne pourrait plus imaginer de nos jours un Chef qui ouvre son restaurant sans ses « légumes du jardin » ou son « petit éleveur », sans affirmer son appartenance à une mouvance claire. En fait si, on peut, et Hyun le peut. Il y a 15 ans, on aurait parlé de Cuisine Fusion, terme qui a autant de signification que « minéralité » en matière de vin. Aujourd’hui je préfère parler d’un style de confluences. Il ne mixe pas les saveurs dans une grosse marmite, mais se nourrit des différents ruisseaux d’ingrédients pour créer sa propre source.

On y trouve des produits et techniques de différentes origines et mouvances. La truite d’Ondenval précède le yuzu, les kimchis et risottos cotoient dans un même menu le brocard de nos forêts ! La magie un peu folle de Hyun est de créer à partir de ces saveurs, d’en donner une version souvent portée par de belles acidités et un salé affirmé.
Un écrin “sauvageon“
On ne va pas se mentir, la première impression devant la maison bourgeoise, dans un quartier qui l’est tout autant, n’est pas très sauvage… On est même dans une certaine forme de classicisme presque suranné. La décoration intérieure offre, et j’aime le fait de ne pas avoir tenté de choquer pour choquer, une vue plus moderne de la cossue maison, sans la dénaturer. On se sent bien dans cette spacieuse salle.

Le service lui non plus n’est en rien maniéré, il est même assez touchant de modestie. La bienveillance est de mise, les petites approximations apportent le plus d’humanité, et permettent de concentrer d’autant plus l’attention sur l’assiette. Un bonheur pour les ours allergiques au marketing à outrance comme moi. Car je ne doute pas qu’un restaurant Sauvage à Bruxelles, ou pire à Paris, aurait pu nous gratifier de lianes et serveurs au déguisement digne d’une chanson de Sardou !
Un plat toujours en construction, mais le kimchi laqué est une tuerie
La combinaison de sa cuisine, de son lieu, offre une sensation qui me fait vibrer, qui permet aux hôtes de se souvenir avec gourmandise tant d’une délicate saveur que d’un regard furtif mais palpitant. Un lieu parfait pour un plaidoyer à l’hédonisme.
Une promesse d’avenir
Hyun, encore jeune dans le métier, offre déjà une belle assurance derrière les fourneaux. Son style est déjà bien défini, et donne envie d’être suivi. De plus il fait partie de ces chefs qui sans bruit ne donnent pas dans le lisse et le déjà vu. Bref, il préfère créer plutôt qu’imiter, et quand en plus c’est fait avec cette envie, ça ne peut augurer que de belles choses.
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