Je vais vous parler d’un producteur que je côtoie depuis maintenant un petit temps, sans être client chez lui. Un homme singulier fou amoureux de son métier. Aujourd’hui, vous allez découvrir un fromager qui sert parmi les plus grandes tables de Wallonie. Pascal Fauville Lui qui avec sa compagne Maud Mirot a créé et développé un concept qui dépasse le simple concept de fromagerie. Bienvenue dans le monde de la Table fromagère… et A table !
Pascal Fauville. Humain. Sentiments
Pour apprécier ce fromager d’exception, il suffit de goûter la vérité de tant de ses fromages. Mais pour tenter de l’appréhender, c’est bien plus vers l’homme derrière le tablier qu’il faut se pencher. Pascal Fauville est un érudit sentimental. Une personne qui atteint un niveau de sagesse tel qu’il accepte ses émotions, s’en nourrit jusqu’à tutoyer l’excès, mais qui transforme cette énergie en projets, en coopération, en amour des gens. Il a une connaissance extensive du monde fromager mais sait plus que tout autre la nécessité d’apprendre toujours et encore. Il a des convictions fortes mais est à l’écoute de tous ; pour lui la conviction doit ouvrir l’Esprit, pas fermer les horizons. Enfin, Pascal est l’associé de Maud Mirot, qui est son égal, qui donne l’impression qu’il ne pourrait fonctionner sans elle, qui lui apporte équilibre et Savoir également.
Une Gourmande Maison Fromagère
L’histoire de la Maison Fromagère de Pascal et Maud est celle d’une reconversion. Une crise de la quarantaine comme le confesse Pascal. Après une formation de cuisinier, il évoluera de longues années au sein du groupe Carrefour. Une carrière assez épanouissante néanmoins. Mais il veut se réaliser par lui-même, être la propre main du roman de son histoire. Il y a dix ans maintenant, c’est donc une nouvelle aventure qui commence. Une fromagerie dans sa ville de Hannut. Un fameux défi car la culture du fromage n’était pas vraiment présente dans les environs, la clientèle était à développer à partir de rien. Chose rare dans un marché qui à l’époque était encore compliqué, ce n’était pas une reprise d’une crèmerie existante mais le fruit de la transformation d’une boucherie en fromagerie.
Le développement de Maud et Pascal peut presque se lire par les fournisseurs avec lesquels ils travaillent. Ils commencent avec un fournisseur unique et des références assez communes, à l’image d’une compréhension du monde fromager encore scolaire. Mais notre homme est un curieux, un bosseur et travaille au sentiment, aussi à force de contacts qui se nouent il s’ouvre de nouveaux horizons avec des fournisseurs plus spécifiques, pour arriver aujourd’hui à plus de 30 cicuits d’approvisionnement. Chose rare et compliquée, mais tel est le prix de la diversité.
L’obligation de ‘passer par des intermédiaires est propre au métier de fromager, qui travaille avec des produits frais provenant d’un périmètre de production très large et varié. Pascal me confie travailler en direct uniquement pour quelques rares fromages (plus typés garde, ou ultra locaux). Il faut voir les intermédiaires comme bien plus qu’un mal nécessaire, mais des partenaires. Avec leurs qualités et leurs défauts, ils deviennent des intermédiaires de confiance, qui élargissent aussi le champs des connaissances.
Mais la Maison fromagère ne se limite pas à cela évidemment, l’envie d’explorer de notre homme est telle que c’est une véritable épicerie fine qui est développée. Des vins de Stéphane Tissot à des plats préparés, de conserves de poissons artisanales aux Prétextes de Philippe Limbourg, le choix pléthorique est bien à l’image de l’épocurien de Merdrop
Crémier? Fromager? Affineur? Passeur!
Les métiers de la vente de fromage aiment se catégoriser. Crémier, fromager, affineur… Maître affineur ! Tous des termes qui en fait n’intéressent pas vraiment Pascal. Il voit d’ailleurs ces guerres d’appellations comme des comportements qui touchent un peu à l’égotique. Lui se voit plus simplement comme un passeur de fromages. Un intermédiaire entre celui qui le produit et celui qui le déguste. Loin d’être un métier d’égo, l’affineur doit avoir l’humilité d’être l’accompagnant de ce qui a été le travail du fromager producteur. Il doit certes avoir les compétences techniques et technologiques pour affiner les fromages, mais il doit surtout les comprendre, les ressentir… et pouvoir les expliquer simplement, en toute transparence, aux consommateurs.
Plusieurs personnes travaillent dans la fromagerie de Pascal. Toutes sont sa voix, tous doivent connaître tous les postes au magasin. Dans beaucoup de métier, on parle de formation permanente. Lui l’applique. Il est aussi passeur de savoir avec son personnel, n’hésitant pas à investir dans leurs compétences (oui, investir et non dépenser). Des formations de haut niveau sont proposées à tous ses employés.
Concours et beauté
Je trouvais une certaine contradiction au discours de Pascal Fauville, tellement centré sur l’humilité : la passion qu’il avait pour les concours, lui qui a été élu Meilleur Fromager de Belgique en 2010, vice champion du monde en 2013 et Finaliste du Mondial des Fromages en 2015. C’est compliqué à expliquer mais dans sa bouche tout semble en fait évident. On ressent le mélange de volonté de se mettre face à ses propres capacités, l’excitation de l’aventure humaine et une soif inextinguible d’apprendre et de vivre, et aussi une passion pour la création… élément si important des concours.
J’avoue une certaine imperméabilité quant à l’élaboration de plateaux fromagers artistiques, quels qu’ils soient. Je n’en avais jamais compris le sens, mais ils permettent à Pascal de connecter son côté artistique émotif et une dimension très cartésienne. Dans les plateaux à destination des gens, le but premier est de permettre une meilleure consommation du fromage, pour garder toujours un équilibre de dégustation, tout en donnant une dimension artistique en plus, comme une signature du fromager. Lors de concours, ce coté artistique est exacerbé mais reste la technicité professionnelle.
On the Cheese Again
Pascal Fauville est atypique. Il voulait un livre à son image. Il a fait un livre à son image. Un carnet de route où se mêlent savoirs et sentiments, informations et narrations. Parfois flou, parfois fou, tellement vrai. Illustré par sa fille et écrit par son ami Benoît Cloës, le tout aussi sensible ancien Libraire Toqué, ce livre raconte toute la diversité du monde fromager de Pascal Fauville. Lui qui a le Raw Milk Power (lait cru) tatoué sur la peau donne aussi la parole à des acteurs au lait pasteurisé, à des petites industries fromagères. Il montre à travers ce livre qu’à ses yeux la conviction doit ouvrir les esprits, accepter les faiblesses et raccourcis si le sentiment est louable. Ce livre est un plaidoyer de la diversité consciente, qui refuse l’exclusion. Il montre que Pascal refuse d’être dans le lait cru de combat, mais recherche plus l’inclusion petit à petit.
Pâte dure et Cœur tendre
En terminant la visite de la fromagerie, Pascal me montre ses pièces d’affinage, qu’il continue à faire évoluer, en s’attardant plus spécifiquement sur la cave aux fromages à pâtes dures. Je sens, peut-être à tort, un gros attrait de sa part pour ces fromages magiques, qui nécessitent tant de labeur pour développer leurs qualités au fil des mois, au fil des ans. C’est à la dégustation d’un Comté vieux de 3ans, si finement élevé puis fini chez Pascal, qu’une analogie certes un peu bête me vient à l’esprit. Tant de temps, tant de travail et d’attention sont nécessaire pour obtenir cette pâte dure au coeur tendre. Tant de travail, tant d’amour donné par cette Pâte dur au coeur tendre. Merci pour cette démonstration Monsieur Fauville !
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