A la fin du mois de juin, j’ai eu l’occasion d’être invité à passer une journée dans un restaurant aux Pays-Bas, le restaurant ONE. J’avoue honteusement que je n’avais jamais eu l’occasion de pousser la porte d’une adresse gastronomique chez nos amis Meusiens : grave erreur vu le menu dégusté et le travail observé!
Restaurant ONE, Roermond
Le restaurant ONE est situé dans la banlieue de Roermond, petite ville du Limbourg néerlandais. A l’origine, l’établissement se trouvait dans le centre-ville, mais il y a quelques années une opportunité rare s’est présentée à Edwin Soumang et sa femme Bethany Delong, créateurs du restaurant : investir les lieux de la plus ancienne fabrique de la ville, dans le cadre d’un projet plurisectoriel comprenant un cinéma indépendant, un théâtre, des magasins et autres activités.
Partant d’un lieu industriel vide, la créativité du couple a pu être totale pour créer un endroit qui leur ressemble manifestement, où la vie est palpable, mêlant intimité et ambiance vibrante. Un aménagement qui privilégie les grands espaces, mais en n’oubliant pas de cloisonner et de veiller au bien-être. Une vision urbaine qui me plaît assez en fait, qui ne sacrifie pas tout à l’autel du design.
Edwinn Soumang, globe-trotter locavore
Edwin Soumang, Chef-propriétaire du restaurant ONE, est un Chef de file de la nouvelle cuisine néerlandaise. Fils de patissier-chocolatier, il a rapidement eu l’ambition de devenir Chef. Après ses études, il a eu pour objectif de faire ses armes dans les plus belles maisons, y allant avec le culot propres à nos voisins bataves pour effectuer des stages dans des maisons telles que le Fat Duck ou le Gavroche, avant de voyager longuement à travers le monde : l’Australie, Ibiza ou l’Amérique de Nord n’avaient plus de secret pour lui, au service de clients privés fortunés.
Le grand voyageur rencontre toutefois celle qui deviendra son port d’attache avec le temps, et si momentanément l’Amour et les voyages s’entrecroisaient, l’issue inéluctable sera la réunion des deux, qui prolongeront leur complicité personnelle par une union professionnelle, qui se concrétise par l’ouverture du restaurant “ONE”.
Aujourd’hui, son style de cuisine, novateur, ne renie pas pour autant le classicisme qui l’a en partie construit, ni la fusion des styles emmagasinés au fil de ses expériences. Ces attaches et voyages se traduisent d’ailleurs dans son panier d’ingrédients, déroutant pour moi, car ayant une forte identité locale tout en faisant appel aux pastèques ou homards canadiens.
Nouvelle Cuisine néerlandaise?
Le ONE est connu pour faire partie de la nouvelle cuisine néerlandaise. Cela a-t-il un sens? je n’en sais trop rien. A tort, les termes gastronomie et Pays-Bas sont presque contradictoires dans notre imaginaire belge, bien plus tourné vers le classicisme français voire les influences nordiques des dernières années ; l’arrogance mal placée est parfois bien plus rouge qu’orangée… Par contre, ce que je peux dire, c’est que la cuisine d’Edwin Soumang représente très bien l’image des Pays-Bas : une cuisine fière, locale mais ouverte aux influences extérieures. Les Hollandais ont toujours été des commerçants, en relation avec des cultures lointaines, bigrement fiers de leur mère patrie.
Techniquement, la cuisine servie lors de ma venue était résolument moderne, avec le classique qui revient par touches. Ce n’est pas une cuisine de sauces et longues cuissons, mais les assemblages sont néanmoins souvent liés. Une cuisine qui n’est pas à l’économie d’ingrédients, mais qui ne tourne pas au boulgi-boulga, et qui se raccroche toujours, par un élément ou l’autre, au territoire de Roermond. Le potager du restaurant n’y est pas étranger.
Edwin et Bethany, meneurs en douceur
L’équipe du restaurant est jeune et cosmopolite, souriante et travailleuse. Tout au long de la journée, j’ai été impressionné de la responsabilité accordée aux équipes. Le micromanagement n’a pas sa place ici, chacun connaît son travail, et celui de son voisin. Edwin Soumang a connu les journées de 17-18h de travail, et ne veut pas reproduire ce schéma. Il a également connu les brigades militaires, et encore non merci pour ses ouailles. Il faut dire que le restaurant n’ouvre pas les temps de midi, ce qui résout en bonne partie les problèmes horaires.
Avoir une équipe internationale dans une cuisine assez fusion est un avantage. Surtout quand le Chef en a pleine conscience comme ici. Si les recettes sont très largement inspirées et signées par Edwin, chacun a la possibilité de créer ou amener une technique, qui sera discutée.
Cosmopolite, l’équipe l’est également en terme d’expériences : de la sous-cheffe lotte Sanders à l’apprenti en passant par les étudiants, tout le monde est considéré dans l’équipe, en n’oubliant pas les rôles de chacun évidemment. L’avantage d’une cuisine graphique comme celle du ONE est que chaque geste sur l’assiette aura une incidence directe sur le rendu visuel, et par là aussi sur la fierté du travail accompli. La cuisine est fermée, mais le calme règne, et la pédagogie est bien présente, même pendant le service, où le coup de feu se manifeste par une plus grande concentration et non un énervement exacerbé… un bonheur pour ceux qui comme moi ont la chance de manger en cuisine.
Le Vin. Vassal mais choyé
La carte des vins du restaurant est alléchante pour les amateurs bourguignons comme moi. L’amour vinique est réel et met souvent les plats bien en valeur. Intelligemment, 2 sélections sont proposées, et la luxueuse permet au couple de goûter à de très belles choses sans devoir être 10 à tables.
Néanmoins, comme souvent, le vin reste en accompagnement de la cuisine plus qu’un rapport d’égal à égal. Les plats ne sont jamais construits autour de la bouteille, chose qui dans le futur sera peut-être à explorer, tant la complexité d’un vin peut ouvrir l’imagination culinaire.
Un Menu, un Voyage
Le menu dégusté à été pour moi un grand voyage, une croisière à travers les gastronomies. Comme dans toute croisière, l’impression d’uniquement effleurer les choses est un peu présente, mais on accepte les codes et on se laisse caresser par la vague. La gradation de puissance dans les plats est continue, on commence gentillement avec les premières tomates (encore un peu légères en saveurs) pour aller vers la puissance, on se laisse transporter par les jus et les textures douces, les dernières asperges labellisées sont simplement grandioses.
Le plat en plus, une spécialité de la maison, est fabuleux : foie gras en neige, brioche figue et betterave rouge. (bon, une demi-découverte pour moi, car la neige de foie gras de Chef Diffels a déjà titillé mon palais de nombreuses fois, mais toujours un bonheur).
Le grand menu, une dizaine de services avec les mises, a fait de moi un homme repu, même si les critiques habituelles de “la pièce principale trop petite” pourrait encore poindre, mais ce vaste débat ne m’intéresse que moyennement…. surtout que vu le repas, inutile de s’infliger un cornet de frites à la mayonnaise sucrée à la sortie!
Bref, pour une addition dans la lignée des restaurants gastronomiques de notre plat pays, je ne peux que recommander d’aller vérifier par soi-même que l’on mange bien aussi aux Pays-Bas, et en plus on y est bien reçu!
Cet article fait suite à une invitation. Il est l’objet de mon unique appréciation sans intervention extérieure.
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