Les Éditions Montagud sont à peu de choses près ce qui se fait de mieux en matière de création de livres gastronomiques, et suite à une recommandation de mon libraire préféré, j’ai pris le temps de découvrir ce livre petit par le format, mais bien plus grand par l’intérêt suscité : Muina, par Josean Alija.
Josean Alija, chercheur Basque
Josean Alija, chef assez emblématique chez nos amis ibériques, est une personne très engagée dans sa propre voie de réflexion gastronomique. Suite à un accident qui le verra frôler la mort au début des années 2000, le jeune Chef perd le goût… et le goût de cuisiner. 3ans plus tard, le déclic arrive et c’est grâce à une approche presqu’universitaire qu’il reprend vraiment plaisir à créer : la Recherche aura dorénavant une existence à part entière dans sa cuisine : Analyser les produits sous toutes les formes, qu’elles soient physicochimiques ou historiques, pour arriver à créer, recréer et conceptualiser sa cuisine. C’est ainsi qu’il fonctionne encore aujourd’hui, lui qui est à la tête du restaurant Nerua, premier étoilé à être directement attaché à un musée, le Guggenheim. Alija semble, au travers de son livre, être un vrai Basque, avec la fierté et l’attachement aux produits qui vont avec, et cette identité se retrouve dans sa cuisine.
Quand Hors-format ne rime pas avec Méga
La mode actuelle dans le monde du livre culinaire est de faire du hors-format gigantesque, comme en témoignent par exemple les Hamada et autres. Ici, c’est un contrepied parfait qui est exposé avec Muina, et son format d’à peine 20cm de haut. Cependant, loin d’être un choix de livre à l’économie, c’est toute la structure du livre qui est étudiée autour de ce paramètre, ainsi que celui du bilinguisme Espagnol-Anglais (voire trilinguisme avec le basque, présent en partie). La qualité du papier est également indéniable, avec un toucher qui enjoint à tourner les 192 pages de ce livre. Les polices de caractère et photos, épurées, m’ont bien plues, avec la bonne idée supplémentaire de marquer la langue par la couleur du texte, on voit directement quelle partie est à lire…
Muina, l’intraductible philosophie
Le concept du livre est donc de transcrire la Cuisine et la façon de cuisiner de Alija. Il définit sa philosophie par la Muina, idée qui n’a pas de terme équivalent en français et qui pourrait être grossièrement traduite par une représentation très personnelle du monde et de la réalité autour de Alija. Il définit ce concept de manière un peu intellectuelle mais prenante tout au long de la première partie de son livre. On se surprend à essayer de décrypter ses plats après avoir compris son propos, exercice délicieux je l’avoue. Une qualité essentielle de cette première partie est sa volonté d’aller à l’essentiel, sans simplisme mais sans broderie non plus, c’est assez vite lu une première fois et on y réfléchit longuement après.
La partie recette, 160 pages au total, est divisée de manière novatrice (banale) en découplant les photos, toutes rassemblées, aux recettes elles-même reléguées en fin d’ouvrage. Si cette disposition a tendance à me lasser, elle est sauvée par l’explication du plat qui accompagne chaque photo. Le Pourquoi plutôt que le Comment est quelque chose qui devrait titiller chaque amateur de cuisine, car une telle explication donne le sens à ce que l’on fait, à partir du moment où on accepte que la cuisine est plus que du nourrissage.
Bien sûr, les recettes empreintes d’esprit basque ne seront pas toutes transposables ici en Belgique, mais là n’est pas l’important. Des recettes comme le foie gras végétal semblent furieusement novatrices, et derrière le dépouillement apparant de beaucoup de propositions, la réflexion et la précision du geste semblent primordiales.
En conclusion…
Ce livre, mis à part qu’il n’est pas en français, est un must-have pour tout qui a envie d’un ouvrage assez court de réflexion culinaire, ainsi que des recettes techniques, modernes et allégées pensées par Josean Alija. Un bouquin qui vous changera de ce que vous connaissez habituellement, et rien que pour ça, le prix (35€) en vaut la chandelle!
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