Il est des activités dont nous avons la connaissance du toujours su , des métiers que nous savons durs contraignants mais sans finesse, des étapes nécessaires à l’élaboration de nourriture mais si éloignées de l’assiette, des métiers comme éleveurs de vache. Je ne vais pas vous parler de cela aujourd’hui, non ; je vais vous parler d’un orfèvre de la viande, d’un idéaliste visionnaire et fou de travail, d’une personne qui a su se donner, au prix d’efforts que l’on ne peut même pas imaginer, les moyens de produire l’une des viandes les plus fines du pays, je vais vous parler de ce Maître de la viande limousine qu’est Lothar Vilz.
Lothar Vilz, éleveur Naturel
La Limousin Farm est le rêve patiemment construit d’un homme, qui incarne pleinement son activité. Lothar Vilz, il s’agit de lui, est issu d’une famille traditionnellement agricole, dont l’élevage de bêtes est l’activité depuis plusieurs générations. Plus jeune d’une famille de 6 enfants, il grandit dans un environnement où le travail est omniprésent, où les loisirs se limitent à portions congrues, toute la vie étant rythmée par le lourd travail de la ferme. Jeune enfant encore, Lothar développe une grande sensibilité à l’égard des animaux, alors que ses parents sont eux plus dans une logique plus productiviste, avec de l’élevage de pies rouges puis du sacro-saint BBB (Blanc-Bleu-Belge). Suite à un drame familial, il prend de plus en plus de place dans la ferme, à 11ans à peine il est déjà autonome, et arrive à gérer seul l’exploitation quand cela est nécessaire. Ce jeune adolescent déjà Homme est aussi mature dans ses idées que dans ses actes, et il sait que plus tard il développera sa propre voie. Jamais il n’oubliera ces mots qui le guident encore jour après jour : “Fais ce que tu veux, mais fais le bien“.
Dès ses 19ans, son père lui propose de reprendre la ferme afin de travailler ensemble, et là l’opportunité de s’épanouir apparaît : Lothar accepte uniquement selon ses conditions, avec sa manière de travailler. Les choses changeront donc radicalement. Conscient de passer d’un élevage rentable à “autre chose” avec une vision à bien plus long terme, il ne rechigne pas à prendre un deuxième emploi, dans l’horeca (il a suivi une formation de cuisinier, et travaille dans le service en salle), qui lui permettra de poursuivre sa voie, sans concessions, avec l’unique but de faire ce qui se fait de mieux, le plus fidèlement à son idéal. Et ce deuxième emploi, il le gardera d’ailleurs des années durant, afin de se payer son rêve.
racée Limousine
La Limousine est la race qui a toujours attiré Lothar. Elle fait partie de ce que l’on appelle les races mixtes : les vaches sont à la fois très bonnes laitières et belles viandeuses. L’aspect de la Limousine, d’une ligne racée, droite, ferme et musculeuse, est très clairement la définition même de la “belle vache” pour Lothar, qui sélectionne les reproducteurs avec une minutie confinant à l’obsession pour ainsi maximiser les animaux aux “allures” les plus belles… comme ce que l’on recherche chez les chevaux.
La politique de sélection et de reproduction est quelque chose de primordial pour qui veut optimaliser la qualité de sa production, ce qu’a excellemment compris notre homme. Par des animaux aux allures nobles, il arrive à une musculature et à une viande plus équilibrée que pour les bêtes aux postures moins équilibrées . Par la connaissance de la généalogie et surtout des comportements et détails de son cheptel, Lothar arrive à perpétuer des sujets parangons de leur race (Il est capable de parcourir 2000km juste pour trouver un reproducteur). Au sein de son troupeau de 120-130 bêtes, il est ainsi possible pour lui de bien choisir les accouplements afin de perpétuer ses canons de beauté.
Enfin, détail encore très important pour l’éleveur, la limousine a la capacité de se reproduire seule (au contraire de la BBB, qui en ça est en quelques sortes une fausse race), ce qui est bien plus en rapport avec la volonté d’élevage le plus naturel possible. Le bien-être vient également par cette voie la plus douce, la moins vétérinarisée possible.
Les Champs des Possibles
La Limousin Farm est basée à Murringen, ce qui a une incidence primordiale sur le fonctionnement de l’exploitation. De fait, c’est à une altitude avoisinant les 650 mètres que se situent les 80 hectares de terres du domaine. 80 hectares pour 120 vaches est un chiffre assez ahurissant : les vaches ont 2 à 3 fois plus de places que chez la majorité des autres éleveurs.
Lothar base énormément son travail sur la gestion et la biodiversité de ses champs. Là où un industriel aura un champs avec une ou deux variétés de végétal (ray-grass très majoritairement), lui se bat pour implanter une diversité qui va, pour une partie de ses terres, jusqu’à une quarantaine de variétés. Lothar, fier de son travail, a été jusqu’à me montrer +- toutes les parcelles, chacune avec ses spécificités son histoire.
La terre est un système complet et pas uniquement un substrat me confie Lothar, et un système s’analyse et s’accompagne bien plus qu’il ne se traite. Aussi, notre homme est sans cesse ans l’observation, guettant les réactions de ses sols. Il a évidemment arrêté tous les amendements nitrités depuis le début, ceux-ci tuant toute la vie du sol, et procède uniquement à de très légers apports azotés, pour arriver aux équilibres optimaux de l’alimentation de ses bêtes.
Léguer une terre saine
La diversité est à la fois naturelle et manuelle chez Lothar. Il veille au développement des plantes nécessaires et accessoires pour les vaches : car celles qui sont aimées par ces dernières mais qui n’apportent pas spécialement de nutriments ont également des effets, ce sont ces petits plus qui font la différence. La raison pour laquelle il n’est pas bio est, majoritairement, qu’il pulvérise les rhumex… à la main ! ! ! (là où un traditionnel est à 400l/ha, lui est sous les 5l). Ses choix, après l’avoir rencontré, je les crois à 100% ; il est au delà du bio pour presque tout! Son leïtmotiv est d’ailleurs simple : il veut léguer une terre en meilleure santé à sa pension qu’à son arrivée, il ne peut en être autrement pour lui. Cependant, il est très conscient du travail effectué par ses aïeux, qui ont toujours également pensé au bien être des bêtes, ils sont par exemple parmi les rares à ne pas avoir coupé les vieux hêtres à la sortie de la guerre alors que la famine guettait, au profit des Limousines aujourd’hui.
De la Viande, du Sentiment
Il y a une dualité évidente dans le processus de production de viande à la Limousin Farm. Lothar voue un amour sincère à ses bêtes, tout en connaissant leur destin. Son amour de ses vaches est tel que (mais le fait qu’il soit germanophone joue), lorsqu’il parle de certaines d’entre elles on ne sait plus s’il parle d’un ami ou d’une bête . Cet amour et ce respect porté à ses vaches joue sans aucun doute sur la qualité de la viande, mais aussi sur le respect que l’on (re)trouve en dégustant cette limousine.
Seulement 25 à 30 têtes sortent de l’exploitation chaque année, ce qui est également très peu. Dans un souci perpétuel de donner le meilleur, seules des femelles sont utilisées pour les particuliers et les restaurateurs : celles-ci donnent une viande un peu plus grasse et surtout à la texture de fibre bien plus fine. Pour ce qui est des veaux, toujours élevés au lait ici, la différence est ahurissante : là où des veaux peuvent être prêts en 2 mois en intensif, chez lui 8 mois sont nécessaires à préparer au mieux l’animal, avec un résultat juste époustouflant, fruit d’une nourriture au pis et avec des compléments minéraux juste nécessaires.
Lorsqu’il décide qu’une bête est prête à aller à l’abattoir, il la met en “affinage” avec un aliment assez spécifique, toujours soucieux du bien-être, avant de la conduire lui-même à l’abattoir, pour vérifier personnellement tout le processus d’abattage, dans le plus strict respect des meilleures pratiques… il lui est d’ailleurs déjà arrivé de rebrousser chemin, estimant que sa vache était trop chamboulée que pour être abattue dans de bonnes conditions.
La viande de Limousine, par rapport à d’autres, est d’un persillage assez léger, avec une graisse moyennement présente et une fibre très fine, là où une Aubrac sera plus rustique, et une Black Angus plus grasse et persillée. Lothar sait exactement ce qu’il veut comme viande, avec un très fin persillage, une graisse qualitative et blanche (signe d’alimentation naturelle, riche en Omega 3 et 6), de la tendreté et de la jutosité poussée. Une viande que l’on sent saine directement. La passion, la franchise, les sentiments mis par Lothar à l’élaboration de cette viande font que l’on comprend immédiatement la nécessité absolue de réincarner notre nourriture.
Gastronomie finale
Cette viande, élevée avec amour et préparée avec soin ne pourrait partir dans un réseau déshumanisé de la grande distribution, fut-elle de luxe. Lothar met beaucoup d’humanité dans la préparation de sa viande et il en veut tout autant dans les relations avec ces clients. Aussi, il ne vend pas ses produits via les boucheries traditionnelles mais travaille avec certains restaurants et particuliers, avec qui le feeling passe obligatoirement bien. Le respect qu’il met dans ses animaux doit absolument se retrouver dans l’assiette, c’est une chose qui lui tient particulièrement à coeur. Parmi ses clients les plus célèbres on retrouve Sang-Hoon Degeimbre (un Homme d’exception par son avant-gardisme philosophique, par son intelligence… et accessoirement le plus grand Chef wallon), Thomas Troupin (jeune et talentueux chef de La Menuiserie) ou encore Clément Petitjean de la Grappe d’Or.
Ce dernier dit d’ailleurs ces quelques mots d’une pure justesse : “Lothar est un homme profondément attaché à ses animaux, lorsque l’on mange la viande qu’il produit, on ressent le bien-être animal par la finesse, la tendreté du produit qui confine presqu’à la tendresse, d’une élégance naturelle“. De par son travail et son apport pour la gastronomie wallonne, Lothar est sans conteste un fer de lance des producteurs wallons, fièrement mis en avant par le mouvement Generation W.
Enfin, et c’est ce que ces chefs ont bien compris, une viande qui est le fruit d’un tel travail ne peut se résumer à ses côtes à l’os mais aussi dans ses morceaux moins reconnus, c’est une question de respect du travail, de la vie, de la gastronomie.
[…] de faire le lien. Enfin, il ne faut pas oublier que le veau ici provient de l’exploitation de Lothar Vilz, cet artisan passionné que j’admire […]