La Poésie du Fortuit
Le hasard est une chose formidable, qui permet des rencontres aussi inattendues que marquantes, et nul doute que celle de Fabien et Stefania sera pour Valérie et moi un moment que nous n’oublierons pas de si tôt. Fabien et Stefania sont des vignerons, Valdôtains d’adoption (lui franc-comtois, elle milanaise), qui ont aussi pu compter sur la beauté du hasard pour récupérer ce petit bout de vigne en fermage, sur les hauteurs d’Aoste.
Le domaine étant jeune, n’étant référencé nulle part ou presque, il était impossible que nos routes se croisent durant nos vacances dans les Alpes italiennes. Sauf qu’il y a eu la fête du Jambon, improbable festivité célébrant le Jambon de Bosses où, en compagnie d’un superbe fromager (ErbaVoglio), ils tenaient un petit stand. D’abord un peu timide au moment de les aborder, j’ai fini, très bêtement, par les féliciter pour les superbes étiquettes, sans connaître le travail derrière, mais avec le sentiment que la surprise serait belle… et elle le fut. Car après quelques mots échangés, un désir d’en savoir plus et le courant qui passait, ils ont eu la gentillesse de nous recevoir un jour après le travail (qui ne manque pas pour eux, 2015 sera précoce un peu partout)
Les Petits Riens, genèse d’un Domaine
Stefania et Fabien ne sont nullement issus de familles viticoles, mais c’est au sein de ce domaine qu’ils se rencontrent, lors d’expériences de formations et de travail dans les vignobles français, suisses et italiens. Fabien a d’ailleurs pu travailler 5ans chez la célèbre Marie-Thérèse Chappaz, renommée et inestimable vigneronne valaisanne. C’est grâce à une occasion peu commune, mais demandant pas mal de sacrifices, qu’ils ont l’occasion de créer le domaine Les Petits Riens, situé sur les hauteurs d’Aoste ville (95% du domaine d’un seul tenant, et 5% sur les hauteurs de Saint-Christophe). Chose encore plus heureuse, le domaine est situé à côté des couloirs d’orage (j’ai pu le vérifier), aussi ces derniers s’écrasent souvent 1 ou 2 km plus en aval.
Le “deal” pour cette occasion de se lancer est au prix d’un métayage, avec en sus un travail du grand potager demandé, ce qui rapproche un peu nos vignerons du travail de polyculteur, propre aux paysans vignerons d’autre fois.
Ils ont pu officiellement entrer au domaine en mai 2013, quel jeune domaine, et depuis, pas à pas, avancent vers la culture de la vigne et du vin auxquels ils croient.
La Philosophie du beau, l’application du Bon
J’ai l’impression tenace que pour le couple, la recherche de la beauté naturelle dans le domaine du vin est érigée au rang de philosophie. Une philosophie réceptive au partage et à l’écoute, comme seuls ceux qui sont en accord avec leurs actes peuvent avoir. Jamais lors de nos quelques heures ensemble il ne m’est venu à l’idée de demander si le domaine était certifié dans sa démarche, la parole a suffi pour montrer ce qu’ils veulent transmettre par leurs bouteilles. Aussi, et ça a été l’accroche de ma curiosité du domaine comme je l’expliquais, il y a l’épure et la nature de leurs étiquettes ; je pense que je n’ai jamais autant senti d’adéquation entre une étiquette et le message que le vin et le travail vigneron me disent.
Je tourne un peu à l’ésotérisme en parlant comme cela, mais au contraire, cette recherche de la beauté et la sensibilité transmise n’est jamais en contradicton avec la réalité de terrain, l’application à la Terre d’un mode de pensée est quelque chose de primordial pour eux. La qualité est au bout d’un travail répété, ardu et pénible parfois, et jamais ils n’y dérogent pour chercher une facilité technologique qui ne ferait que trahir la perception qu’ils ont.
Deux hectares, douze cépages
Le domaine est donc grand de 2 hectares, sur des sols sablo-limoneux (le sous-sol valdotain est légèrement plus “unitaire” que le bourguignon). Au moment de découvrir les vignes, pas loin de 8 cépages ont été renseignés : Chardonnay, Petit Rouge, Mayolet, Cornalin, Pinot, Syrah, Gamay, Erbalucce.
Mais alors que la feuille grandissait, les doutes sont apparus, et après analyse ADN faite par José Vuillamoz, ami de la maison, il est apparu que pas moins de 12 cépages étaient établis au domaine. La densité de plantation, entre 6 et 7000 pieds/ha, est elle assez conforme à ce qui est attendu.
Même s’ils n’ont pas le domaine depuis longtemps, il y a un vrai plan de marche, assez précis, pour réhabiliter les vignes vers une culture qui correspond mieux encore à leurs volontés (j’ai pu remarquer chez Nicolas Faure ce que 3-4ans peuvent donner au niveau de la culture de la vigne, en terme de profondeur de vins). Leurs prédécesseurs, moins regardant mais dans la tradition culturale valdotaine, leur ont légué des vignes taillées trop hautes, trop productives certainement, mais pas matraquées par les produits systémiques, ce qui est important pour la culture que Fabien promeut: qui respecte la vie du sol, qui inclut la vigne dans un écosystème, qui s’il est à remodeler n’est pas non plus à recréer (sur 3-4 ans, les vignes vont être rabaissées, certaines conduites en cordon). Il y aura bien entendu d’autres investissements et améliorations à apporter, tels qu’une amélioration du système d’arrosage et plus rapidement un changement dans le travail des sols. Ici tout est enherbé, mais un peu de labour devrait entrer dans la danse, ainsi qu’une replantation contrôlée de la végétation, afin de booster la biodiversité.
Petites cuvées méritent doigté
En passant à une douzaine de cépages, plusieurs choix s’offraient à nos vignerons. Je suis certain qu’ils n’ont jamais pensé à la facilité qui aurait consisté à utiliser la grosse cuve présente au domaine et à faire de la complantation comme monsieur Jourdain fait de la poésie. Non, le choix a été pris de vinifier chaque cépage séparément durant au moins 2-3 millésimes afin d’apprendre les réactions de chacuns et faire les assemblages selon l’évolution de chaque jus, avant de peut-être plus tard vinifier par plus grosses cuvées.
Plus encore que de surcharge de travail, ce choix implique une minutie de tous les instants, car vinifier par 200litres (comme ça peut eêtre le cas sur les Pinots par exemple) est quelque chose de dangereux, car on ne bénéficie pas de l’effet tampon des plus gros volumes, qui réagissent eux plus lentement. C’est donc avec une habilité certaine que Fabien vinifie chaque cépage avant des les assembler pour créer les diverses cuvées du domaine, que je vais vous présenter brièvement.
Les Cuvées
Fabien et Stefania ont pris le parti, sur leur dépliant, de ne pas décrire les vins avec les termes un peu bateau qui font loi sur les plaquettes descriptives des domaines. Aussi, et parce que comme vous le savez je ne suis pas un bon technicien du vin, je vais également m’abstenir de décrire vin par vin.
Cependant, il serait malhonnête, et peu courageux, de ne pas émettre d’avis sur les vins, aussi je vais plutôt faire une appréciation générale des vins dégustés plutôt qu’une revue cru par cru (surtout qu’ils ont été dégustés en plusieurs fois. Et je reste très touché de l’occasion qu’ils m’ont donné de goûter l’une des dernières bouteilles de Cornalin, moment magique pour un vin d’un équilibre fin à l’acidité maîtrisée comme les plus beaux représentants du cépage).
J’aime les domaines où l’on peut déterminer une ligne directrice dans la production sans toutefois gommer les différences entre cépages et terroirs. Ici, l’effet terroir semble moins marqué qu’en Bourgogne, vu la plus grande homogénéité de sol (et que la parcelle est en un tenant) mais néanmoins les différents cépages expriment des caractères parfois bien différents. Adepte d’un travail le moins interventionniste possible en cave, Fabien nous sort des jus qui ne vont pas du tout vers les fortes extractions. Pas de tanins imposants, pas d’acidités trop marquées ou grossières, des couleurs qui dans mes souvenirs sont brillantes sans être trop denses. Les vins sont “juteux”, non marqués par le bois (beaucoup d’élevages cuves, mais les bois utilisés ne marquent que fort peu de toutes manières). On pourrait reprocher un peu de manque de profondeur, parfois de matière sur l’une cuvée ou l’autre, mais c’est pour dire quelque chose de négatif. On sent surtout des vins déjà très bien pensés, et on peut croire sans souci que les prochains millésimes verront les vins prendre une autre dimension encore. Bref, coup de coeur!
Et en Conclusion?
Un peu dithyrambique dans mes commentaires sur ce domaine, j’avoue sans peine peut-être quitter la rationnalité, emporté par la joie de cette découverte, de cette belle rencontre avec Stefania, Fabien et Charlotte. Mais n’est-ce pas ça le principal? les émotions ne sont elles pas primordiales dans notre rapport au vin? Définitivement oui, mais pour que ces positifs sentiments puissent naître, il faut pour les vignerons du travail et de l’implication, qui donneront de bons vins et de belles rencontres.
Nous ne sommes qu’au début de notre histoire avec ce domaine, et je ne doute aucunement qu’il rejoindra en caves les Sipp, Chavy-Chouet et Domaine de la Borde que nous suivons déjà avec tant de plaisir et de joie.
Jolie description d’une belle rencontre. J’ai eu la chance de déguster une bouteille de Entre Terre & Ciel 2013 au (très bon) restaurant Giuliani à Aoste qui propose leurs vins en exclusivité sur Aoste et auquel Les Petits Riens fournit aussi des légumes. Même sans connaître les vignerons, j’ai été aussi enthousiasmé par ce vin à la fois très complexe et très charmeur. Petite question oenologique : vous mentionnez dans votre “fiche technique” de ce vin 30% de petit verdot alors que sur le dépliant du domaine que m’a fournit le restaurant je lis “30% Armeniac”. Je n’ai rien trouvé de probant sur le web sur ce cépage. S’agit-il du nom valdôtain du Petit Verdot?
Bonjour, excellente remarque pour anecdote un peu cocasse. Lors de la reprise des vignes, les anciens propriétaires ont dit de ces vignes qu’il s’agissait d’un cépage venant d’Arménie dont ils ignoraient le nom… qui a donné “Arméniac” à défaut. C’est lors de l’analyse ADN par José Vuillamoz de tous les types de vignes qu’il a été découvert que ce mystérieux arméniac était en fait du Petit Verdot!
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas Ils sont la, tout tremblants, sans rien qui les protege ; De leur oeil inquiet ils regardent la neige, Attendant jusqu au jour la nuit qui ne vient pas.
Salut, c’est une note rapide pour voir comment vous faites. Donna a essayé plusieurs fois d’obtenir un contact de stefania sans réponse. contactez-la en français ou en italien est bien car nous utilisons google translate. Nous sommes impatients d’entendre comment vous faites.