Le vin est un monde extraordinaire. Un monde à la fois simple et complexe. Il en est de même pour les restaurants gastronomiques. Ces univers se côtoient le plus naturellement du monde, mais sans toujours se mélanger avec grâce. La chose bachique est à base d’eau, le gras est un fondement du cuisinier. Et chacun sait que l’eau ne se mélange pas naturellement à l’huile. Là arrive le savoir-faire de la sommellerie dans les restaurants. Le vrai sommelier est bien celui qui arrive à créer l’émulsion gustative entre le verre et l’assiette.

La Table de Maxime, un exemple de sommelier
C’est après un superbe repas il y a quelques jours à la Table de Maxime que l’envie de parler de la magie du service du vin a resurgi. Il faut dire que Maxime Collard a toujours eu le don de s’entourer de sommeliers de talent, proposant des vins d’une belle et qualitative diversité. Et encore une fois, après le départ impromptu de Stéphane Dardenne en 2019, il a recruté un autre professionnel de très haut niveau, Bart Lamon. Ce dernier, que j’ai connu du temps du Mylord, est un modèle de bienveillance en plus de sa grande érudition.

Connaissance, connaissance et connaissance
Les trois grandes qualités d’un sommelier sont à mes yeux la connaissance. Celle des vins, du restaurant… et des gens. On a trop tendance à oublier la connaissance théorique du vin. Pas celle que l’on étale doctement pour impressionner, mais celle qui est le socle de tout. Qui permet de répondre aux questions, de comprendre les remarques parfois peu claires. Qui permet de parler simplement mais justement. Tout ceci nécessite un grand savoir. Ensuite, il est nécessaire de connaître son restaurant. Le rôle d’un sommelier varie énormément selon le type d’un établissement, de son positionnement tant tarifaire que stylistique. Parfois une sélection moderne et éclectique, parfois plus conservatrice.

Enfin, et surtout, connaître les gens est aussi primordial. Il n’est pas question que de ressenti, mais d’attention, d’observation et de réactions. S’adapter sans se renier, en respectant le cadre du restaurant. Rebondir, rassurer, expliquer aux personnes sans jamais les faire passer pour ignorants.
S’écouter, se respecter
J’entendais il y a peu Barbara Hoornaert réaffirmer sa préséance sur le choix des vins par rapport au cuisinier de son restaurant. Son intervention a vraiment fait écho dans mon esprit ; j’ai remarqué que trop souvent on demande au service du vin de s’adapter au cuisinier et aux achats . Comme si le sommelier n’était sommelier que parce que le Chef n’avait pas le don d’ubiquité.

Bart Lamon, tout comme son prédecesseur, a une très grande liberté dans ce qu’il sert, mais aussi dans ce qu’il achète. L’écoute et la compréhension entre la cuisine de Maxime et le vin prend tout son sens. Il nécessite de l’indépendance mais aussi de la compréhension et connaissance mutuelle.
Découvertes et réconfort
La dualité d’une sélection, où même les choix d’un sommelier, tient dans les désirs peut-être contradictoires des clients. Nous voulons souvent à la fois être surpris et réconfortés. Découvrir de nouvelles choses sans nous sentir perdus, voire grugés par des vins dont la plus grande qualité serait de nous être inconnus. Bart Lamon est lui assez joueur, mais avec ce talent indéniable de vous faire retomber sur les pieds. D’expliquer le vin, les choix, la philosophie avec simplicité et précision, qui amène à comprendre les choses avant même d’y tremper les lèvres

Une cave construite
La gestion de cave est toujours un point sensible dans les restaurants gastronomiques. Les grandes caves à l’ancienne sont de plus en plus difficiles à tenir. Faire vieillir un vin est immobiliser beaucoup d’argent pour le restaurateur. Les gens aiment voir les grands Bourgogne ou Bordeaux, cependant la réalité des ventes est autre. Mais c’est un luxe nécessaire pour un restaurant aux deux macarons. J’aime en cela la réponse à la double contrainte (avoir une carte des vins assez « noble » mais aussi être en phase avec les prix relativement doux de la maison) en proposant un choix qui reste cohérant. Où une cohérence se fait entre les classiques, les natures, le nouveau monde.

Partenaires d’émotions
Un magnifique repas est toujours la somme de réussites. En cuisine, en salle, dans le verre. Mais ce n’est pas que ça, il est nécessaire d’apporter la touche d’indicible, le sentiment de magie. Et pour cela, le couple Chef/Sommelier est fondamental. Ils jouent parfois de concert, parfois en contretemps, voire en opposition, mais doivent délivrer un morceau prenant, qui accroche le client. En cela, les caractères du Chef et du sommelier à la Table de Maxime jouent bien ensemble avec de vraies différences mais délivrant ensemble une partition de grand talent, qui a pu me transporter le temps de repas.
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