Il y a maintenant un mois, j’ai eu la chance de me rendre au Mont-à-Gourmet, le restaurant de Arnaud Hamoline et de son Chef Nicolas Tournay. Si je ne m’étais jamais rendu à cette adresse, j’avais déjà l’impression de les connaître, suivant leur actualité d’un oeil attentif et ayant déjà remarqué une réelle appétence pour des produits locaux et saisonniers. Et la confirmation de mon sentiment positif a bien eu lieu lors d’une fin d’après-midi et une soirée aoutienne, passée chez un de ses producteurs puis devant un beau menu inventif.
Mont-à-Gourmet, par amour du Goût
Arnaud Hamoline n’est pas un inconnu dans la région de Gouy-Lez-Piétons. Fils d’Alain Hamoline, célèbre traiteur du secteur (toujours actif au Mont-à-Goût), il reprend le restaurant familial en 2015 avec pour ambition de le transformer en table gastronomique. Dès le début, Arnaud a une vision “managériale” de son projet, et voit la nécessité de faire appel à un Chef, avec lequel ils pourront grandir ensemble. Ce Chef, Nicolas Tournay, est en belle adéquation avec les envies et investissements d’Arnaud : centré sur des produits de la région, une volonté gastronomique dégagée de toute forme de pédanterie, un restaurant proche des gens.
Gardant l’Humain au centre de leur projet, les 2 hommes ont l’intelligence de faire primer le fond sur la forme, le goût sur l’instagram. Attention, ce n’est pas que les assiettes ne sont pas soignées, loin de là, mais on est dans la forme de présentations qui privilégie la bonne température et le bon équilibre en bouche plutôt que la photo avant tout.
La Tête dans les Salades, le coeur dans le Hainaut
Réussir, c’est savoir s’entourer. On pourrait croire que c’est un véritable Mantra pour Arnaud Hamoline. Si la relation avec Nicolas Tournay est pleine, elle n’est pas unique. Il y a dans la démarche du Mont-à-Gourmet une recherche insatiable de collaborations avec des producteurs régionaux. J’aime quand il y ce mode collaboratif plutôt que purement marchand. Si la relation demande beaucoup plus d’efforts et de dialogues, elle apporte par contre une satisfaction et une personnalisation toute autre que le simple fait d’acheter.
Des Maraîchers en or
Parmi tous les producteurs de la liste du Mont-à-Gourmet, j’ai pu me rendre chez Benoît et Julie, maraîchers bio à Pont-à-Celles . J’aime toujours rencontrer des maraîchers car comme vous le savez j’adore les potagers, et voir les techniques et inspirations de chacuns est toujours un plaisir. Le jardin est ici à la fois encore très jeune et extrêmement matûre. Un mélange réjouissant d’essais et de théorie derrière, avec une excellente gestion du biotope global (on touche à l’agroforesterie même). S’il n’est pas dessiné pour être photogénique, ce potager est extrêmement visuel. Les différentes sections se touchent naturellement, les terrains sont vivants mais soignés.
La collaboration se fait, comme je le disais, bien plus par la discussion que par la demande. On est sur une vision à long terme de la collaboration, avec une grande liberté laissée au maraîcher dans sa gestion au jour le jour. Si ce derniere a une offre complète (il vend également en magasins et dans des GAC), on peut sentir les bienfaits du travail en commun avec le Mont-à-Gourmet, qui le suit dans ses innovations.
Une Cuisine brute, de produits
Dans l’assiette, la volonté de “produits” se fait également très bien sentir sous la houlette de Nicolas Tournay. Tout au long du menu, cette impression de “brut travaillé” a été un des vecteurs du plaisir pris. On glorifie souvent jusqu’à l’extrême la technique en cuisine, mais cette dernière est bien trop souvent confondue avec le tape-à-l’oeil technologique. La formation de notre Chef, passé par le Prieuré Saint-Géry ou encore le Gré du Vent n’est certainement pas étrangère à cela. Mais pour autant, on ne se contente pas d’une cuisine de juxtaposition de produits et de cuissons brutes. Il y a un réel savoir-faire qui se mesure par les équilibres, et aussi par des éléments de construction de plats très à propos.
Si on peut se dire que certaines recherches doivent encore se faire au niveau des sauces, les aliments sont bien accompagnés par différentes herbes et condiments naturels. Arnaud et Nicolas ont une connaissance très développée à ce sujet. Ils ont déjà participé à faire venir François Couplan, un des Maîtres mondiaux des plantes sauvages, dans la région! Ils ont la classe de ne pas trop en faire, mais quelques mots échangés et une visite au jardin aromatique du restaurant vaut toutes les présentations pompeuses. Du goût.
Un lieu, un service en adéquation
J’ai une réelle affection pour les restaurants ancrés dans leur village. Le Mont-à-Gourmet, ancré sur la place locale, ne fait pas exception à la règle. Une maison aménagée, avec le charme et les difficultés qui accompagnent le lieu (cuisine minuscule, salle assez exigue mais qui a bien du charme), un décor rural sobre qui ne veut trop en faire. On se sent bien à table. A la fois décontracté et choyé par le personnel de salle qui est en adéquation avec la cuisine. Il n’y a pas de théatralisation du service mais une efficacité bienveillante. L’absence d’un sommelier bien défini ne se fait pas trop sentir grâce au professionalisme de la serveuse. Le grand plaisir, en fin de repas, est le chariot de fromage à la fois gourmand et bien présenté. Il est de ceux qui redonnent un sens à la salle, qui devient un lieu d’action et pas seulement de service.
Quelques plats marquants
Je sais, ces plats ne sont plus vraiment d’actualité un mois après. Mais l’important est de comprendre ce qu’il y a derrière un plat, de reconnaître la grammaire du Chef derrière le vocabulaire de l’assiette. Le plat emblématique de ce repas était sans conteste à mes yeux l’archétype de la Cuisine maison. Sous une apparente simplicité, chaque élément de cette Sébaste, courgetette et bouillabaisse était complémentaire à l’autre, tout en gardant une vie propre tout en offrant une diversité de textures.
La croûte de courgettes légèrement huilée donnait une belle fraîcheur riche au poisson, tandis que la sauce enveloppait bien le tout et donnait de l’allonge. Un plat franc, pas le plus fin mais terriblement bon. Les tomates en diverses préparation avec le pesto, geste d’humilité du cuisinier, faisaient la part très belles aux légumes du maraîcher, peut-être trop même, mais avec grand plaisir. Enfin, le homard était aussi un beau moment, plus encore pour les magnifiques herbes aromatiques qui donnaient toute la dimension au plat que pour le homard lui-même pourtant de belle qualité et de cuisson. J’aime quand les rôles de chaque élément sont ainsi bousculés dans le palais.
Continuité
En sortant du restaurant, et après une très enrichissante discussion avec Arnaud et Nicolas, la seule chose que je pouvais leur souhaiter est l’évolution dans la continuité. Sans conteste ils sont dans le vrai avec leur philosophie de travail. Leur Cuisine est de plaisir, hors des gimmicks des tendances, hors des imitations de grands Chefs. Elle leur est propre et mérite d’être suivie, tant par les gastronomes que par les guides. Bravo à eux.
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