Le Hainaut n’aura bientôt plus de secrets pour moi, tellement je visite ses restaurants membres du mouvement GenerationW! Bien sûr, j’exagère grandement tant il y a de belles adresses dans cette province protéiforme. Avec le Château du Mylord à Ellezelles, au coeur du Pays des Collines, c’est l’esprit du mouvement W que j’ai redécouvert. Un exemple qui avec le festival Collinaria montre déjà comment la collaboration entre Chefs et Producteurs peut être fascinante, et créatrice de liens.
Ellezelles, le Pays des Collines
Nous y reviendrons par l’angle des producteurs, mais les frères Thomaes sont intensément liés à leur région. De ce lien insoluble que les générations construisent. Leur région d’Ellezelles, aux confins de la Wallonie, là où la frontière linguistique sillonne paisiblement entre les Monts, est d’une richesse rare en matière écologique. C’est ainsi que, il y a maintenant plus de quarante ans, l’idée est venue de créer le Parc Naturel du Pays des Collines, qui se concrétisera vingt ans plus tard.
La richesse en produits artisanaux, en agriculture et en gastronomie a donné l’envie au monde politique de fédérer les forces, et d’intégrer chaque entité au service d’une autre. Une politique actuelle et visionnaire. Aujourd’hui, le touriste de passage ou de séjour a l’occasion, dans ce cadre ensorcelé, de passer un moment avec de multiples activités, où l’assiette n’est jamais très loin.
Le Château du Mylord, fleuron des Collines
Le Château du Mylord, bâtisse du 19ème siècle au charme classique, est un havre de paix niché dans un parc de trois hectares, invitant à sortir du temps. Propriété de Jean-Baptiste Thomaes, le restaurant est ouvert depuis 1981, date à laquelle ce fils d’un grand industriel local se lance, après avoir failli mener des études d’ingénieur. Rapidement couronné d’une étoile, puis d’une seconde en 2002 (récupérée en 2010). Le restaurant s’impose naturellement comme la tête de pont gastronomique de la Région, avec l’aura mais également les responsabilités conférées par ce statut.
Thomaes, Frères Thomaes
Si Jean-Baptiste Thomaes, créateur du restaurant, reste le penseur des menus, l’histoire du Mylord est indéniablement un projet de famille, une aventure fraternelle. Vincent, maintenant actif à Bruxelles, a officié vingt ans en salle et sommellerie tandis que Christophe Thomaes, pâtissier du restaurant, fêtera ses trente ans de maison l’an prochain, après une première carrière dans la Marine.
Les deux frères ont chacun leur rôle dans le ballet du restaurant, avec leur caractère propre et complémentaire. Jean-Baptiste, l’homme des chiffres, est le gestionnaire de la famille. Christophe, avec qui j’ai passé une partie de la journée, est la composante “sociale” du restaurant, il est celui qui va à la rencontre de ses producteurs, qui connaît le village de l’intérieur.
Producteurs collinaires
Les producteurs locaux du Mylord sont nombreux. Si dans certains restaurants, on se plaît à challenger les fournisseurs pour avoir les meilleurs produits, c’est la confiance et le dialogue qui prévalent chez les Thomaes. La volonté, à travers le restaurant, est de créer et entretenir un réseau entre les différents intervenants. De la brasserie à l’éleveur de cochons, du liquoriste à la productrice de fruits, les gens se connaissent et commercent entre eux des produits auxquels ils croient.
Le summum de la collaboration est peut-être celui fait avec Edmée Hooghe, de Green Loft. Cette autodidacte a créé un micro verger il y a quelques années, où à force de beaucoup travail et d’énormément de réflexion, elle est arrivée à produire des pommes et poires d’une saveur folle. Des fruits où la simple action du couteau libère des saveurs insoupçonnées. Edmée, passionnée au possible, permet à Christophe Thomaes de comprendre son produit, de lui donner des pistes pour le travailler en respect.
Collinaria, le Mylord et moi
Il doit être impossible de parler à Christophe Thomaes plus de quinze minutes sans qu’il ne mentionne Collinaria, le festival gastronomique d’Ellezelles dans lequel il est fortement impliqué. Mais quand elle est sincère comme ici, la passion est communicatrice… Si bien que j’ai déjà réservé ma chambre d’hôte pour y participer l’an prochain !
Cette manifestation, qui se tient chaque année au printemps, est l’occasion pour 600 personnes de découvrir gastronomiquement et ludiquement la région et tous ses acteurs au travers d’une journée de dégustations. L’engouement des producteurs, restaurateurs et autorités politiques est sans faille et communicatif.
Cuisine classique, cuisine goûteuse
Retour au restaurant lui-même, à ce qui en fait sa spécificité. Le Château du Mylord est reconnu pour sa Cuisine très classique, qui ne cherche pas l’artifice mais le goût des choses. Les éléments doivent être reconnaissables, les saveurs portées par des sauces travaillées et goûteuses. Je garde un souvenir gourmand de ce sabayon aux câpres accompagnant la barbue ou encore le jus de crustacés avec le veau.
Le style Thomaes est celui du moderato. Les menus syncopés des restaurants actuels n’ont pas lieu ici, on préfère une mélodie plus harmonieuse, plus continue. Chaque plat doit avoir en lui l’équilibre voulu et ne doit en rien demander à son successeur de le corriger. Pour autant, si la tradition est française, elle est propre au style local également, n’employant pas la grandiloquence que peuvent avoir la cuisine d’Outre-Quiévrain, ni celle des saveurs d’ailleurs. Par exemple, les puissants abats sont évités ici, afin de ne pas choquer.
Le style maison, qui lui convient si bien, a connu un soubresaut au moment de la première obtention de la seconde étoile. Le poids de Michelin, une volonté de bien faire, et une complication inutile des techniques a mené à la perte d’identité, bien vite retrouvée après d’ailleurs, avec en prime une certaine modernisation : moins de gras mais pas plus de chimie.
Le Vin, plaisir humble
La carte du Mylord est l’une des plus prestigieuses de Belgique. Plusieurs dizaines de milliers de références ont de quoi faire tourner l’oeil de l’amoureux que je suis. Mais une carte sans sommelier n’est jamais qu’un carnet d’intention. C’est là que le rôle de Bart Lamon prend tout son sens. Car bon, proposer du Coche-Dury ou du Chave à la carte c’est une chose, mais choisir au mieux le vin pour chaque plat, pour chaque personne, c’est encore une autre histoire. Bart Lamon, qui a l’expérience nécessaire pour suivre son propre chemin, joue avec bonheur son rôle de guide. Il apporte cette touche plus excentrique dans le menu en sortant des grandes appellations, mais toujours avec une raison derrière. Jamais il ne donne l’impression de porter un choix uniquement financier.

Ce vin résume à lui seul toute la classe du sommelier. J’ai laissé carte blanche pour un verre “plaisir”. Ce Madeire 1964 ne fut pas du plaisir mais du recueillement.
Une expérience à vivre…
Pour l’amateur de cuisine moderne et un peu sauvage que je suis, aller au Château du Mylord a été une expérience très intéressante à vivre. Une expérience qui m’en a appris sur mes goûts et qui me pousse à me remettre en question sur l’échelle de valeurs de ce que j’aime.
Les cuisines classiques, nordiques, espagnoles, moléculaires ou note à note (non, pas note à note) ne sont en fait que des concepts, des mots, qui ne demandent qu’à être dépassés par l’assiette. Les à priori ne sont que des frontières à être brisées par l’expérience, merci au Château du Mylord de me l’avoir rappelé.
Nooit een betere culinaire ervaring genoten dan in ‘Le Chateau du Mylord’
JAMAIS u une meilleure expérience culinaire que chez ‘Le Château du Mylord’
SUPERBE ARTICLE…. MERCI JEAN-BAPTISTE,MERCI CHRISTOPHE, MERCI BART, ANNE, CARLO ET TOUTE L’EQUIPE….. ELLEZELLES, ET SES COLLINES, EST FIER DE VOTRE REUSSITE ET RECONNAISSANT POUR LE SOUTIEN PARTICULIER QUE VOUS TEMOIGNEZ AUX PRODUCTEURS DE LA REGION…. MERCI POUR VOTRE GENTILLESSE ET VOTRE DISPONIBILITE. MERCI POUR LES DECOUVERTES GASTRONOMIQUES QUE VOUS NOUS PROPOSEZ…. DES ETOILES DANS LES ASSIETTES…