Le Pays Basque, région frontalière franco-espagnole entre mer et montagne, est assurément une terre de gastronomie. San Sebastian est l’une des capitales mondiales de la gastronomie, le Piment d’Espelette et l’Osso Iraty sont des fers de lances de produits de qualité, mais le vin aussi y trouve une terre de choix, entre Mer et Montagne.

A coté des larges appellations basques epagnoles, il existe une petite AOP, l’une des plus petites appellations viticoles françaises d’ailleurs : Irouléguy. Sur à peine 200 hectares s’articulant autour du village éponyme, ce vignoble offre une diversité très intéressante, grâce à la conjonction d’un climat unique et d’une géologie bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Je vais vous faire découvrire ce vignoble au travers de l’un de ses producteurs emblématiques, qui si sa renommée dépasse largement son appellation, s’inscrit plus que jamais dans la volonté de préservation de son terroir : le domaine Arretxea de Thérèse, Michel, Esteban et Théo Riouspeyrous
L’Appel de la Terre
Nous sommes fin des années ’80. Michel Riouspeyrous, professeur de métier, rêve d’un retour à la terre, à ses Terres d’Irouléguy. Lui qui n’était pas du métier choisit la voie vigneronne jadis empruntée par ses grands-parents fermiers. La polyculture était de mise dans les temps anciens.

Irouléguy était au début des années ’90 une appellation très peu considérée, globalement peu qualitative également. Qu’à cela ne tienne, la motivation du couple qui ne se doute des difficultés futures font qu’ils se lancent ! Thérèse, sa femme, doit au début assurer un salaire et fait les déplacements jusque Bordeaux, tout en étant présente depuis la création du domaine Arretxea.
Comprendre et Apprendre
S’ils partent vers l’inconnu, Thérèse et Michel n’y courent pas les yeux fermés, mais plutôt grands ouverts de leurs savoirs (ils sont fins connaisseurs de la biologie qui les entourent) et avec une réelle vision de ce qu’ils veulent et des moyens pour y arriver.

La viticulture de Terroir, ce qu’ils recherchent, est l’intersection de données géographiques, géologiques, biologiques et climatiques. Michel me dit malicieusement une phrase que l’on devine Mantra chez lui : “le terroir a deux parents. Le climat en est son père, le sol sa mère”.
De Vigne et de Terroir
Le climat d’Irouléguy est à la fois marqué par la mer et la montagne. Un climat tempéré chaud marqué par une pluviométrie importante tout au long de l’année mais également par des courants de Foehn. La géologie d’Irouléguy est elle très complexe ; le livre de chevet de Michel est d’ailleurs le rapport commandé à Yves Herody, qui décrit avec exactitude les 40 (!!) différents sols du domaine Arretxea, ainsi de ce qu’il y a lieu de faire pour maximiser leurs potentiels le plus naturellement possible.

Le lieu, le sol et le climat sont le contexte dans lequel les vignes du domaine s’épanouissent. Évidemment, pour toute cette partie du vivant, la réflexion est également profonde chez les Riouspeyrous. A la vigne comme à la cave, le travail devait naturellement être conduit de manière biologique par le couple. Sans que le but ne soit le macaron sur la bouteille, mais par pure conviction qui le conduira également vers une agriculture biodynamique. Pouvait-il en être autrement pour un domaine qui plus que tout autre prend une profonde conscience dans un environnement donné?
Le cep messager
Le domaine utilise les différents cépages autorisés dans l’appellation, à savoir le Tannat et les Cabernet Sauvignon et Franc en rouge ‘(hé oui, le Cabernet Franc est arrivé en France par les Pyrénées…), et les Petit et Gros Manseng ainsi que le petit courbu en blanc.

Au-delà des variétés elles-même, Michel et Thérèse ont toujours prêté une grande attention à la qualité de leur matériel végétal, privilégiant toujours les sélections massales aux clônes, et en veillant à garder le plus longtemps possible leurs ceps pour bénéficier d’un enracinement otpimal (ils ont d’ailleurs surgreffés des anciennes vignes de rouge en blanc, pour garder l’enracinement tout en changeant la finalité). Grâce à tout ce travail d’observation et de
Style pur et goût précis
Si toutes les étapes précédant la vinification sont les plus importantes, leur but ultime est d’amener jusqu’à la cuverie, le jour de la récolte, des raisins les plus sains possibles. Une fois la phase de vinification commence, c’est l’heure des vrais choix stylistiques.

Le domaine Arretxea cherche assurément un style de vins à la fois déliés, droits et avec une aromatique “de terroir” non exhubérante. On retrouve dans leurs vins ce que je retrouve dans leur caractère : Une grande finesse d’esprit derrière des mains besogneuses. Ils rassemblent le fermier et l’intellect, là où à tort on cherche si souvent à les opposer.
Pour faire cela, des contenants respirants mais assez neutres aromatiquement sont choisis, que ce soit par des fûts qui ne marquent pas ou plus récemment via des amphores créées spécialement pour eux par un artisan d’Ossès, les Dolia.

Ces jarres de 300litres ont été développées pendant plusieurs années entre Goicoechea et les Ryouspérous pour arriver au modèle actuel, qui offre grâce à sa composition un mix aération (l’évaporation est équivalente à un fût), préservation (l’argile a une action antiseptique) et préservation de la fraîcheur optimal. Du peu que j’ai pu goûter, c’est sur ce derniers point que les résultats sont vraiment bluffant : on retrouve dans la cuvée Dolia blanche à la fois le volume d’un vin qui a respiré, avec en plus une fraîcheur en entrée et fin de bouche comparable aux élevages en cuve, tout en ne touchant pas aux arômes légèrement d’oxydation propres à certains élevages en amphore.
La Poésie du sentiment
Le Vin est autre chose que de l’analyse, il touche directement aux émotions, aux sentiments. Ce qui caractérise peut-être plus que tout le Thérèse et Michel est la place qu’ils laissent aux émotions, au partage qu’ils en font. Ils s’ouvrent aux clients de passage, n’hésitant pas à dire leurs joies et leurs détresse du métier. Entendre parler Michel de la grêle est un moment poignant, entendre Thérèse expliquer le lien du sol aussi. Quand ils nous parlent de leur Irouléguy, au fond, on se dit que le Terroir c’est eux aussi, et nous rappelle plus que jamais que pour que la beauté soit le plus naturelle possible, elle doit aussi être travaillée par l’Humain, avec amour et dévotion.
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Quelques vins dégustés
Vins blancs
- Hegoxuri 2010 (avril 2016): Superbe vin blanc d’Irouléguy à la droiture riche hors norme, les notes fumées sont présentes en début de bouche avant qu’une continuité plus florale prenne le dessus.
- Hegoxuri 2017 (juillet ’19): Nez aromatique, légèrement “thé”. Le vin se présente en fraîcheur, pas trop en exhubérance mais avec une trame très agréable. La légèreté du millésime est retranscrite dans la bouteille, sans aucun mauvais amer.

- Hegoxuri 2009 (juillet 19) : nez très expressif, avec une certaine richesse sur un miellé un peu frais. La bouche est un peu ample, mais avec une finale très bien définie, toujours avec la pointe de fraîcheur qui fait du bien. Les aromes secondaires sont bien présents, avec un peu d’amertume sans excès.
- Dolia 2017 (juillet ’19) : Vin encore un peu fermé au nez, quelques arômes de pierre sèche. En bouche, on sent les éléments d’un beau vin mais bizarrement dans une phase de fermeture. Le vin est porté par uen acidité mûre qui me donne beaucoup de confiance sur le futur. C’est plus complexe que Hegoxuri de la même année mais moins prêt.
- Dolia 2016 (juillet 19) : plus délié que 2017, une excellente combinaison de gras et de fraîcheur. qui donne cette sensation d’équilibre bien recherchée. J’aime beaucoup ce vin qui a certainement de grandes qualités “polymorphes”.
- Schiste 2016 (juillet 19) : Nez riche, puissant, qui donne presqu’une impression de puissance amère. La bouche a une entrée de bouche en puissance également, une vraie fougue, mais la trame derrière est déjà bien en place. Le côté juteux reprend le dessus avant que la finale, large au premier abord, ne s’affine avec le temps. Nous sommes en présence d’un futur grand vin, pas encore vraiment prêt à ce jour.
- Grès 2016 (juillet 19) : moins fougueux que le schiste de la même année, plus civilisé. Une certaine rondeur est présente, avec un fruité plus immédiat, plus enjôleur. Je conçois plus ce vin comme un instant de rondeur, là où schiste est en nervosité.
Vins rouges
- Tradition 2016 (juillet 2019) : Nez expressif , arômes fruités un peu cerise et épices. Attaque ronde puis après une certaine acidité tannique reprend un peu le dessus. Longueur moyenne.
- Haitza 2014 (juillet 2019) : Vin très précis. Il arrive, tout en étant plus concentré et puissant, à dégager une impression de finesse, de précision. Les tanins sont soyeux, persistants, agréables, tandis que les arômes ne sont pas uniquement portés sur les fruits noirs mais également un “jee ne sais quoi” crayeux. Vraiment top.
- Haitza 2016 (juillet 2019) : étonnement ouvert, avec une “jutosité” plus marquée que le 2014. Le tanin est très intégré, pas aussi marqué que 2014. Très beau
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